Ca s'est passé du coté de Liège, sur le parking d'une grande surface..
Etait-ce le GB, chez Cora ou Makro., peu importe, ça pouvait être n'importe où.
Ca devait arriver, voilà tout!
La presse en a beaucoup parlé et le journal télévisé en a fait ses choux gras, puis quelques experts ont confrontés leurs avis discordants au cours d'émissions spéciales et bien vite tout le monde a oublié.
Et maintenant, en décembre, on ne reçoit plus de cadeaux et comme vous n'êtes pas d'ici, je vais vous raconter comment on s'est enfin débarrassé de ces obligations de fin d'année!
Il y a bien longtemps, les enfants sages attendaient avec impatience le 6 décembre, jour de passage de St. Nicolas.
Depuis la mi-novembre jusqu'au 5 du mois suivant, c'était le temps des surprises et des angoisses..Passera-t-il cette nuit? Apportera-t-il dans mes petits souliers le chocolat fourré, les noix et les massepains?
A-t-il lu ma lettre au sujet du traîn électrique et du jeu de meccano ?
Le grand Saint triomphait dans les écoles, les salles de fêtes et les grands
magasins.
Au Grand Bazar de la Place ST Lambert à Liège, des foules enfantines se
bousculaient pour le rencontrer.
Menant à son trône, les escaliers et les couloirs ne désemplissaient que tard dans la soirée, quand le Saint disparaissait mystérieusement dans la
ville, avec son aide Hanscrouff, le Père Fouettard, son ane et ses hottes remplies de jouets et de bonbons.
On voyait son image partout. Il était le roi de décembre.
Entre lui et le Petit Jésus de la crèche, il n'y avait rien.
Rien d'autre que ses cadeaux, jouets et friandises, avant que d'autres surprises n'apparaissent au pied du sapin, devant la crèche à l'étoile de Noel.
Mais une menace grandissait dans le Nord, sous la forme rebondie d'un barbu joufflu et fessu, rigolard et ventripotent, vêtu de rouge lui aussi.
Ce personnage du folklore nordique conduisait comme un dingue un attelage de rennes emmenant dans les airs un traîneau lui aussi rempli de cadeaux et destinés aux enfants sages
comme aux grandes personnes..
Concurrence brutale, bien dans la ligne de l'évolution vers le libéralisme économique absolu,
le Père Noel apparut sur le marché avec l'énorme avantage d'un moyen de transport performant, d'une clientèle élargie et d'une publicité tapageuse.
Saint Nicolas en regardant son humble baudet avec ses petites hottes traditionnelles, en conçut un dépit profond.
Le progrès était en marche et la lutte pour la survie inévitable.
Comme on était toujours en Belgique fédérale, les politiques de ce temps s'en mêlèrent et des accords régionaux furent conclus sous l'influence des grandes surfaces:
Saint Nicolas conservait sa place au seuil de l'hiver et le Père Noel prenait le relais passé la mi-décembre.
Des dispositions furent prises pour qu'ils ne se rencontrent jamais.
St Nicolas devait par contrat regagner le ciel dès le 6 décembre au soir, sous peine d'astreintes financières salées et de poursuites judiciaires.
De son coté le Père Noel ne pouvait obtenir d'autorisation de survol du territoire national qu'après le 10 du même mois.
Avant cette date, son attelage pouvait être abattu sans sommation par tout citoyen détenteur d'une arme à feu même non déclarée sans risque de finir à Lantin.
Le drame survint par la faute d'un grève prolongée dans le domaine de la grande distribution.
Le père Noel, convoqué trop tôt par du personnel administratif intérimaire et incompétent déboucha sur le parking à 100 à l'heure avec ses rennes au moment où St Nicolas sortait enfin d'une séquestration de dix jours avec la direction du grand magasin, prise en otage par des grévistes déchainés.
LA suite est connue: comme le montrèrent les analyses sanguines, le Père Noel avait bu !
Il freina trop tard son traîneau lourdement et illégalement chargé.
Le choc renversa l'âne de St.Nicolas qui se mit à braire de colère.
ST. Nicolas, furieux, brisa d'un coup sa crosse sur le crane de son concurrent et ce fut en un instant la bagarre générale.
Les grévistes prirent parti qui pour le Saint, qui pour le Père et tout fut démoli sur le parking.
Dans le procès verbal (conservé au musée de la Vie Wallonne), on peut lire avec émotion la liste des dégâts: crosse brisée, mitre déchirée, hotte éventrée, traineau déclassé ainsi que les nombreuses lésions qui mirent à la retraite le Père et le Saint, sur décision médicale, comme le constatèrent à l'époque les médecins légistes, avant le procès.
Le traineau finit à la casse et fut recyclé en cannettes de bière.
La Société protectrice des animaux fit main basse sur les rennes et le baudet
La crosse de St.Nicolas, considérée comme un instrument agressif dangereux, fut détruite très légalementpar le Banc d'Epreuve de Liège, chargé du contrôle des annes prohibées.
.
. Malgré des plaidoiries vigoureuses et particulièrement tordues, le juge ne voulut rien entendre.
On se rendit compte avec stupeur que nos deux héros étaient des immigrés parfaitement illégaux.
Aucun des deux ne put fournir de carte d'identité.
Saint Nicolas n'avait pas un sou en poche, le père Noel,mort-saoul n'avait pas de permis de conduire...et leurs déclarations les perdirent :
le Père Noel signala être né quelque part au-delà du cercle polaire, mais ne put
préciser où et à chaque autre question répondait par des « Ho-ho-ho })qui énervaient le Procureur.
St. Nicolas dut bien avouer ses origines turques mais ne put produire aucun document l'autorisant à un séjour prolongé en Belgique.
L'Ambassade de Turquie, flairant le piège d'une querelle religieuse, se déclara non compétente et renvoya l'affaire au Vatican qui temporisa comme d'habitude et lâcha prudemment le Saint, pour ne pas envenimer la situation, face à un Islam radical qui déjà montrait les dents :en effet, les barbes du Saint et du
Père Noel faisaient la une de tous les journaux et certains islamistes y voyaient déjà une offense à celle du Prophète.
Les avocats eurent beau plaider l'attachement aux traditions et la nécessité de respecter le folklore et les souhaits des enfants sages..On ne trouva pas trace de ces notions dans le Code Civil et le juge demanda une peine exemplaire.
Saint Nicolas et le Père Noel, définitivement ruinés par les amendes, durent déposer leur bilan.
Ils furent conduits à Zaventhem dans une voiture banalisée et expulsés malgré leurs protestations.
On n'entendit plus jamais parler d'eux.
Depuis ce jour, en Wallonie, on ne fait plus de cadeaux en fin d'année et seuls les hommes politiques offrent encore pour Noel des promesses et des encouragements aux petits et aux grands enfants qui s'obstinent à aimer la poésie et le merveilleux.
(Petit conte offert par Momo qui le tiens d'un bon vieux médecin de campagne super sympa. Merci à tous deux)
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