Alerte, ces vers
carnassiers déciment les jardins
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C’est
l’histoire d’un lombric qui rencontre un ver étrange, exotique, et qui se fait
dévorer, comme tous ses congénères du même pré.
Je
m’appelle Lumbricus terrestris. Vous ne me voyez pas et pourtant vous me
connaissez. Je peuple vos jardins, je retourne vos terres, je les aère. Je les
rends fertiles. Mais depuis quelques mois, voire quelques années déjà, dans des
coins reculés de l’Hexagone, je me fais dévorer par un ver au corps plat,
visqueux et au goût amère. Je l’ai vu opérer. Cette affreuse bestiole pose son
corps gluant sur un de mes semblables. Elle l’endort à l’aide de sécrétions
chimiques qui sortent de sa bouche située au milieu de son corps, de son
pharynx comme disent les scientifiques. Puis, elle injecte à l’intérieur de sa
proie des enzymes qui vont lentement digérer la peau et les muscles de mes
frères et sœurs annélides. En une heure, le tour est joué. Le ver de terre est
digéré.
Le
problème c’est que ces horribles vers carnivores, et parfois même cannibales
entre eux, ont envahi nos jardins. Signalés pour la première fois en avril 2013
dans les Alpes-Maritimes, ils ont également été repérés dans le Finistère. Dans
ces deux départements, trois espèces différentes se reproduisent à la fois de
manière sexuée et asexuée. Pas étonnant que leur progression soit si rapide. On
pense que ces vers terrestres invasifs sont arrivés dans des pots de fleurs
achetés en Cornouailles par des Bretons. Il faut dire que les îles britanniques
sont infestées par ces vers qui répondent au doux nom de plathelminthes.
20% des lombrics décimés
Du côté
de la perfide Albion, c’est l’hécatombe. Nos cousins britanniques sont décimés
par ces vers néo-zélandais, australiens ou sud-américains. Dans leurs pays
d’origine, les plathelminthes ne sont pas envahissants comme ici, car ils ont
des prédateurs. Mais en Europe, c’est buffet gratuit. On estime à 20% la baisse
de population de vers de terre en Grande-Bretagne [1]. La faute aux plathelminthes
nommés Arthurdendyus
triangulatus, les
pires de tous, les plus meurtriers, qui ravagent les sols britanniques mais qui
heureusement n’ont pas encore débarqué ici.
Un
scientifique, professeur en zoologie au Muséum d’histoire naturelle de Paris, a
décidé de nous aider. Pour combattre son ennemi, il faut le connaître. Alerté
il y a plus de six mois, Jean-Lou Justine a commencé à étudier les
plathelminthes. « Ce sont des bêtes extraordinaires, avoue-t-il. Elles
ont opéré un vrai coup de force de l’évolution, car il s’agissait d’animaux
aquatiques à l’origine. Elles ont un tégument mou, c’est-à-dire une enveloppe
molle qui est recouverte de mucus. »
En
France, une armada de volontaires inconnus a décidé de partir à leur trousse.
Le professeur Justine appelle l’opération : science participative. Un appel à témoins a été lancé. Chaque jardinier,
chaque promeneur qui observe une de ces affreuses bestioles peut signaler sa
position exacte et envoyer un échantillon, délicatement prélevé, au professeur
Justine ! Le zoologiste caractérise les individus, cartographie leur présence
et compile sur son blog toute nouvelle information collectée. Une carte est
régulièrement mise à jour. Jusqu’à présent, six espèces différentes ont été
décrites en France. Toutes ces espèces ne mangent pas des lombrics mais il est
sûr qu’au moins deux en sont friandes.
Pourtant
nous, petits vers de terre, sommes essentiels à la biodiversité. Nous
intervenons dans le recyclage de la matière organique et les galeries que nous
creusons contribuent au drainage et à l’aération des sols. Nul ne saurait
prédire à quoi vont ressembler les sols sans nous. Aujourd’hui, les
plathelminthes ont été observés dans plus de 20 départements français. Et les
élus commencent à s’inquiéter de notre sort. Jean-Vincent Placé, sénateur
écologiste de l’Essonne, vient de demander au ministre de l’Ecologie si « le
gouvernement envisage des mesures ». De l’aveu même du professeur
Justine : « Il n’y a rien à faire. » En effet, aucun
produit phytosanitaire ne vient à bout de ces vers de malheur. « Tout
ce que je peux conseiller c’est de ne pas transporter de pots de fleurs. Et
bien sûr me signaler leur présence ! » Alors moi, Lumbricus
terrestris, je n’ai qu’un mot à dire : Sauve qui peut !
Où ont été détectés les plathelminthes en
France ?
En beige : 1 espèce observée dans le même département Orange : 2 espèces observées Marron : 3 espèces observées
En beige : 1 espèce observée dans le même département Orange : 2 espèces observées Marron : 3 espèces observées
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